La véritable plus- value
des abeilles réside –t-elle dans le miel produit ou dans la lente pollinisation
invisible qui nourrit la terre entière ?
Questions
Concernant le recrutement des enseignants et /ou chercheurs à
l’Université et
des rapports d’activités: si Einstein avait dû
être recruté par un comité de
Sélection, des personnalités extérieures et/ou un
directeur d’EPSCP (Etablissement Public à
caractère Scientifique, Culturel et Professionnel), quelle
probabilité aurait-il eu d’être
recruté, non seulement au vu des controverses soulevées
par ses premiers travaux au sein
de la communauté scientifique de l’époque, mais
aussi compte tenu du principe de la réfutabilité de Karl
Popper? Quel « résultat scientifique » aurait-il eu
à
présenter ?
Concernant la culture du résultat et son versus salarial sous forme de prime :
si nos technocrates se mettaient à calculer le temps moyen qui se situe entre un prix
Nobel et le début des recherches dans les domaines concernés, quel serait le montant des
primes allouées pour des « résultats » correspondant au temps moyen trouvé ?
Concernant le principe de collégialité et le rôle
accru des présidents et
commission de sélection : si Kafka avait écrit « le
Procès LRU » (Loi relative aux libertés
et responsabilités des universités), les coupables
ne seraient-ils pas
enseignants et/ou chercheurs, et de surcroît fonctionnaires, le
Président du tribunal ne
serait-il pas les Directeurs et la partie civile les
personnalités extérieures ?
Conclusions
Lorsqu’ un Etat de droit se met à identifier moralement
(l’oisif du XVIII,
l’inefficace du XXI) un mal (la
« médiocrité » de
l’enseignement et de la recherche) et ses coupables (les fonctionnaires) et
promeut, tel un institut financier allouant un crédit selon une spéculation sur
la création de plus-value future, et promeut donc une culture du résultat
comptable (rapport d’activité, « évaluation », « performance
»), il prend le risque, me semble-t-il, tout d’abord de confondre la nature du
problème avec le symptôme : des fonctionnaires sont ils « inefficaces » parce
que fonctionnaires, ou bien l’efficacité n’est - elle pas plutôt non pertinente
pour juger des formes et des contenus des activités intellectuelles et
relationnelles des enseignants et chercheurs ? Ou plus simplement la plus
value des abeilles réside –t-elle dans le miel produit ou dans la pollinisation
invisible dont dépend l’agriculture mondiale? Qui des chercheurs et enseignants
ou des financements privés minimes associés à un centralisme d’Etat est
responsable de cette soi-disant « non performance » Mais qui veut tuer son
chien l’accuse de la rage...
De plus, force est de constater que, ce
faisant, l’Etat se désengage de sa fonction de protection des conditions
de possibilités d’existence du citoyen libre, responsable envers autrui comme
alter ego et qui agit « sans contrainte » avec celle régalienne de sécurité /
surveillance garant de la propriété et de l’exploitation de biens privés
afférentes à l’Economie. L’Etat devient aux travers de ses dernières lois un
acteur privé allouant des crédits rares en fonction d’une spéculation sur des
profits futurs. Il est vrai que nous
sommes tous des ressources humaines. Mais y aura-il après l’application des
décrets possibilité de constitution de réserves ? Et quid de la pollinisation
dans un contexte de méfiance et de dépendance ?
Le décret relève pour ma part plus de
l’énonciation d’un problème sociétal
que
du moyen de sa résolution. Elle promeut l’instinct
grégaire (recrutement des
conformistes) et concurrentiel (prime) -le seul comportement rationnel dans un
contexte
d’incertitude paraît-il- un comportement connu du monde
financier et qui,
malgré de nombreuses agences de « notation », a eu
le « résultat » que l’on
sait. Lorsque la rationalité instrumentale n’est plus
raisonnable, doit-elle
encore fixer les buts d’une société et les moyens
pour y parvenir, si tant est, bien entendu, qu’un tel
projet soit raisonnable?